what are u waiting for ? (seth)

Il lui faut une première vodka pour esquisser un sourire. Mila n’aime pas ça. Chaque fois qu’elle sourit, il y a toujours un abruti pour se moquer de ses joues d’enfants dont elle ne parvient pas à se débarrasser. Puis sourire, c’est pour les gens heureux et Mila, elle n’est pas heureuse. Une deuxième vodka, elle se lève de son tabouret et se mêle à la foule estudiantine. On lui en offre une troisième alors que vingt-deux heures sonne. Mila se lâche. Elle danse dans la foule. Elle a beau être petite, par rapport à la majorité des personnes présentes, on ne voit qu’elle, elle et sa confiance, elle et sa tenue courte à l’excès. Mila, il n’y a pas qu’Eddy qu’elle provoque. Elle provoque tout le monde, que ce soit en ouvrant la bouche pour parler qu’en s’affichant, simplement, dans des tenues minuscules ou dont le plongeant est vertigineux. Puis, la brune cesse de compter les verres. Trop de shots se succèdent et l’ivresse s’empare de Mila qui n’arrive plus à compter. Les vertiges la frappent. Mila s’échappe. Elle titube en déboulant sur le trottoir et s’empare de son téléphone. Suzy, Suzy, Suzy. Ah, voilà ! Elle écoute les sonneries, elle n’attend pas de l’entendre, sa sœur, quand elle entend le cliquetis significatif lorsque l’on décroche. « Je t’envoie l’adresse, viens me chercher, s’il te plaît ». Mila, il n’y a qu’avec son aînée qu’elle use des politesses, la sale gosse. Appel terminé. Son regard dérive sur l'écran. [appel terminé : seth k]. eh merde ! Suzy, c'était le numéro suivant. Tant pis. C'est certainement une opportunité de plus, non ?

@seth korrigan

Cela fait déjà cinq minutes que le diablotin attend son chauffeur. Cinq minutes de trop, surtout depuis la découverte de son erreur ; c’est Seth qui vient. Et s’il y a quelques minutes, elle rêvait d’être sous sa couette et la tête engoncée dans une dizaine d’oreillers moelleux, maintenant, elle est totalement alerte et réveillée. Elle ne pense qu’à lui, qu’à cette flamme qu’il faut alimenter, celle de l’interdit et de la provocation. Debout au bord du trottoir, Mila est consciente qu’il peut y avoir méprise, entre sa jupe trop courte, son haut presque inexistant et son maquillage outrageux qui a coulé sur ses joues pouponnes. Elle soupire en guettant le flot de voitures. Il y a des regards, elle les sent, tout comme certaines mains qui osent se glisser sur ses reins mais Mila n’y prête pas attention. Elle ignore. Parce que si elle rentre dans leurs jeux, elle va encore en cogner un et terminer au poste de police pour coups e blessures, ce qui serait dommage alors que le karma, cette sacrée salope, lui offre un voyage en voiture avec Seth. Toutefois, agacée par l’insistance d’un badaud, elle l’envoie valser d’une réplique acide. « Touche à ta queue, ça te fera plus de bien, tu verras ».

Finalement, Mila voit la voiture de Seth qui s’arrête juste devant elle. Elle sent à nouveau les regards. Eh oui, reine Mila ne rentre ni à pieds ni en Noctibus comme vous, bande de gueux, on vient la chercher, comme l’altesse démoniaque qu’elle est. Certainement la fille d’Hadès, à y réfléchir. Elle peut rêver à des parents divins, après tout : elle ne se souvient presque pas des siens. Mila proteste alors que sans ménagement, Seth l’empoigne et l’attire à l’intérieur du véhicule. « Wow doucement Gogmagog ! », grogne la brune. Pour s’installer plus confortablement, Mila remonte sa jupe. Elle déplie ses jambes sur le tableau de bord non sans avoir d’abord pris possession du paquet de cigarettes de Seth. La ceinture, Mila l’ignore. Elle lève les yeux au ciel, soupire. « Ecoute, t’as tronche me fait peur tous les jours, est-ce que c’est pour autant que je te casse les couilles, Seth ? Non. Alors maintenant, conduis mais pas trop vite, j’ai la gerbe ». Sur ces mots, elle ouvre la fenêtre pour sentir l’air frais sur son visage. Puis, elle allume la clope.

@seth korrigan

Elle sent le regard de Seth sur elle et elle se demande si une biche égarée dans le bois sent également le regard du prédateur lorsqu’il approche. Mila est lucide : elle sait qu’il la regarde. Ce n’est pas nouveau. Ce jeu-là dure depuis un moment déjà, des échanges, des œillades. Cela a un goût de danger délicieux qui pourrait également s’apparenter à une jolie revanche, un pied de nez sublime à son aîné, Eddy. Bien sûr, Seth n’est pas une cible choisie au hasard. Oh, il est beau, beau à damner une nonne – que Mila n’est clairement pas -, avec sa barbe, ses cheveux blonds et son allure négligée mais Seth, c’est surtout le meilleur ami d’Eddy. Il est un moyen efficace de mettre un bordel sans nom dans l’existence de son frère et de le réduire à néant. Pourquoi ? Mila ne se l’explique pas.

Seth lui demande de la boucler, la ceinture, mais elle ne cille pas. Elle se contente de porter la cigarette à sa bouche, imprimant le filtre d’une marque rouge carmin, comme son rouge à lèvres. Puis, elle passe une main dans ses cheveux bleus au moment exact où Seth y va d’un surnom. « Ridicule », articule-t-elle en détachant chaque syllabe, levant les yeux au ciel. Combien lui ont déjà fait cette vanne, à l’université ou en soirée ? Filomena ne compte même plus. Elle rit doucement, un léger rictus, rien de plus, en revoyant la tronche des frangins quand elle s’est pointée avec cette couleur. Mila, elle, elle l’adore. Cela renforce son côté artiste, elle trouve. « Je me tortille parce que ta caisse est dégueu, bardée de foin », répond-elle en changeant de chanson, sans demander l’autorisation au conducteur. « Ensuite, si tu insinues que j’veux coucher avec toi, la gérontophilie, c’est franch’ment pas mon délire ». Mensonge. Mila a envie de lui, ça crève les yeux. Elle rêve de ses mains calleuses, de ses grandes paumes, sur son cœur. Elle imagine le frottement de sa barbe entre ses cuisses et à cette simple pensée, elle les serre. « La soirée n’est pas terminée », dit-elle en tirant lascivement sur la clope, en réponse à la deuxième question de Seth. En totale contradiction avec les propos précédents. Mila se tourne vers lui, mordillant sa lèvre inférieure et l’observant conduire, concentré sur la route. Elle sent un léger effluve d’alcool. Elle renifle et a la certitude que Seth a bu. « T’étais avec l’autre tête de gland ? », demande-t-elle avec mépris. Bien entendu, le joli surnom désigne Eddy.