would you fly with me? (jug)

Ciaràn était perdu, il n'était plus lui même depuis des jours. Et il avait revu Felix ce qui l'avait plongé encore un peu plus bas, si c'était possible. Le visage marqué des coups reçus, Ciaràn ne s'en plaignait pas. Il l'avait mérité. Et il s'était auto puni en s'interdisant de prononcer le moindre mot. Comme s'il voulait prouver à Felix qu'il pouvait lui aussi s'enfermer pour payer son crime de l'avoir balancé. Il errait dans les rues tel un fantôme. Il commençait à ne plus faire la différence entre ce qu'il voulait et qu'il avait. Ciaràn se dépréciait petit à petit et il n'avait plus envie de remonter. Tout ce qu'il voulait, c'était retourner auprès de l'homme qu'il aimait et dont il se rendait compte qu'il était de plus en plus dépendant. Ses études, sa vie, passaient au second plan. Tout passait au second plan. Comme s'il était seul au monde et qu'il n'avait jamais rien vécu d'autre à part 4 ans de vie commune avec Felix.

Ciaràn trouva un banc et il s'assit, mécaniquement. Il regardait les gens passer sans les voir, il ne réfléchissait même plus. Il était éteint, comme si quelqu'un avait arraché les câbles de son interrupteur. Ses pensées allaient vers Felix, encore plus qu'avant. Il était perturbé, peut être bien que sa descente aux enfers avaient commencé. Peut être bien qu'il était sur une pente glissante et qu'il n'avait plus aucun frein. Peut être bien que les autres avaient raison, qu'il était qu'une petite balance mais les autres ne savaient pas qu'il se mordait les doigts d'avoir pris cette décision. Ciaràn n'était plus qu'un jouet cassé qu'on arriverait jamais à réparer et qui était bon à jeter. Son esprit mourait, ses yeux pleuraient et pourtant il trouver la force de s'accrocher encore à la vie, parce qu'il avait un espoir. Et l'espoir portait un nom. Felix. Felix pourrait faire ce qu'il voulait de lui, Ciaràn reviendrait, encore et toujours.

Il avait oublié cette photo d'enfant dans ce journal, oublier que quelques jours auparavant, il recherchait son ex petite amie et l'enfant qui lui ressemblait tant. Ciaràn avait oublié qu'il avait des frères et des soeurs qui comptaient sur lui, Ciaràn n'était plus qu'un légume assis sur un banc, amoché par justice. Il était détruit depuis l'adolescence et il n'avait pas l'air se rendre compte que rien n'était de sa faute mais bien celle d'Avery qui l'avait plongé dans un ravin. Et il était mort, il y avait dix ans maintenant.

Jughead éteignit la télévision. Il ne voulait pas s’abrutir devant tant de stupidité mais n’avait pas envie de rester dans un appartement d’un autre temps. C’est tapisserie à grosses fleurs jaunie lui donnait la nausée et il n’avait qu’une envie, c’était de sortir de cet immeuble délabré et laissé à l’abandon depuis des décennies. Moins il passait de temps dans cet endroit peu accueillant et mieux il se portait. Il ramassa le blouson de cuir qui traînait sur le matelas qui lui servait de lit et l’enfila, recouvrant un vieux tee-shirt blanc à logo tout usé. Il se fichait pas mal de la dégaine qui pouvait avoir. Il attrapa le couteau qu’il s’était procuré il y a peu et le cacha à l’intérieur de sa veste. Simple précaution. Jug savait qu’il n’était pas irréprochable et que des représailles étaient vite arrivées. Il ferma ce qui lui servait de porte, juste par principe car celle-ci pouvait être ouverte en un coup de pied presque sans efforts et descendit les escaliers d’un pas enlevé pour se retrouver dans la rue.

À l’air libre, il respirait déjà mieux. Il fit quelques pas et s’arrêta. Jug sortit son paquet de clopes et en tira une cigarette. Il chercha ensuite son briquet et le retrouva dans la poche droite de son pantalon. Il alluma sa cigarette et tira une taffe et reprit sa marche à travers la ville. Il parcourait le quartier sans le moindre but quand il aperçu une silhouette familière. Il plissa les yeux comme pour mieux et là il n’eut presque plus aucun doute, il s’agissait de son ami Ciaràn qui avait l’air dans un piteux état. Le blond termina sa cigarette et l’écrasa sur le bitume avec sa chaussure. Il traversa la rue pour rejoindre son acolyte de toujours.

Plus il s’approchait et plus son coeur battait rapidement. Il n’aimait pas le voir dans un état pareil. Faulkner n’était plus que l’ombre de lui-même. Il avait le regard perdu dans le vide, si bien que Jug se demanda s’il l’avait vu arrivé. Il s’accroupit devant lui et dit : « Dans quelle merde tu t’es foutu encore Ciaràn ?! » C’était une interrogation qui n’attendait pas de réponse et qui se voulait sans aucun reproche. Le visage de Ciaràn était tuméfié et cela brisait le coeur de Jug de le voir ainsi. Jughead fit dépasser son tee-shirt de son blouson et essuya délicatement le liquide pourpre qui s’échappait de ses lèvres. « Maintenant, tu vas me dire qui t’a fait ça. » dit-il calmement.

@Ciaràn Faulkner

Il réfléchissait trop. Il pensait trop au mal qu'il avait causé à Felix. Ciaràn était un garçon trop fragile, un garçon de papier dont plein de monde froissait et abîmait. Et il avait voulu jouer au plus malin et au plus fort. Aujourd'hui, il en payait le prix. Il n'avait pas le droit de se plaindre de la correction qu'il avait mérité. On ne balançait pas quelqu'un qu'on aimait à la folie. Pas pour des raisons imaginaires ou pour de la peur. Et Ciaràn avait eu peur. Aujourd'hui, il avait encore peur. La rue était animée, il voyait des gens défiler sans les voir, le temps s'écouler sans rien remarquer. Ciaràn était une coquille vide d'escargot. Son esprit le protégeait de la réalité qui lui était trop dur à accepter. Il aurait aimé avoir Felix à ses côtés, qu'il le rassure. Mais il n'avait pas le droit de réclamer l'homme qu'il aimait. Il s'en voudrait toute sa vie d'avoir osé ouvrir sa bouche une fois de trop. Ciaràn, il avait ce défaut de toujours parler, toujours avoir le mot de trop, qui, impulsivement, pouvait blesser n'importe qui. Mais tout ça c'était fini, Ciaràn ne ferait plus jamais entendre le son de sa voix. Il était en prison à la place de Felix. Sa propre prison. Dangereuse et sous bonne garde. Et s'il osait penser à Avery, il se briserait en mille morceaux. C'était de sa faute à elle, cette garce qui avait osé l'abandonner alors qu'il était fou amoureux d'elle. C'était à cause d'elle qu'il avait rencontré Felix et qu'il avait perdu la raison dix ans auparavant. Mais il ne dirait plus rien.

Il ne vit pas que Jug était à côté de lui. Qu'il lui parlait. Oh si, il entendait qu'on lui parler mais il n'avait pas identifié la voix. Maintenant, il l'avait reconnu. Mais Ciaràn ne voulait plus parler, ne plus dire un mot. Les prisonniers n'avaient pas le droit à de la visite. Il sursauta quand il sentit le tissu contre sa peau. Il n'avait pas le droit de se plaindre. Il l'avait mérité. Jug parlait encore, il lui posait une question et Ciaràn secoua lentement la tête pour lui faire comprendre qu'il ne dirait pas un mot. C'était un geste mécanique qui lui donnait l'impression que sa tête était lourde et qu'elle allait éclater. Et il avait d'hurler. Hurler toute la rage qu'il avait contre lui mais ce cri ne fut qu'à l'intérieur de lui même. A l'extérieur, Ciaràn restait parfaitement immobile, tel une statue de cire. Il regardait Jug dans les yeux et son regard lançait un sos de détresse. Mais ce n'était pas à Jug que ce SOS s'adressait. Non. C'était à Felix. Il n'était pas là. Et Jug ne pourrait pas comprendre. Cependant, et parce qu'il connaissait bien Felix, il reposa sa tête sur son épaule. Si son sos de détresse n'était pas perçu, au moins, il pourrait se reposer quelques instants.

Il avait eu de la chance d'être tombé sur Jug, parce que s'il était tombé sur ses frères ou ses soeurs, il n'aurait pas eu le temps de faire semblant que tout allait bien. Reposé contre l'épaule de Jug, Ciàran fixait le ciel. Il était infini et semblait contenir tout le mal être et la détresse de Ciaràn.  

Jughead n’aimait vraiment pas voir son ami dans un tel état et il ne partirait pas tant qu’il ne lui aurait pas expliqué ce qui se passait. Il avait l’impression qu’il ne l’avait même pas vu arrivé tellement il semblait à mille lieues de là. Jug regarda sa manche qui était maintenant tâchée de sang. Peu importe, de toutes façons, il tombait déjà en lambeaux ce tee-shirt pensa-t-il. Le blond vint s’asseoir à côté de son pote sur le banc. Les passants les regardaient d’un air méfiant et cachaient leur enfant quand ils passaient devant eux. Ils avaient sûrement peur qu’ils se battent vu le visage ensanglanté de Ciaràn et qu’ils se prennent un coup mal maîtrisé. Personne ne proposa son aide et Jug pensa que les gens n’étaient qu’une bande d’égoïstes.  

À sa question, le brun répondit d’un signe de la tête et Jughead comprit qu’il ne voulait pas parler. Seulement, Jug, il ne bougerait pas de ce banc tant que son copain ne lui aurait pas raconté toute l’histoire. Il était bien décidé à rester là des heures, des jours, des semaines s’il le fallait. Le blondinet l’avait rarement vu aussi malheureux et il était hors de question qu’il le laisse dans cette mauvaise passe. Dans un moment de silence, Ciaràn posa sa tête sur l’épaule de son ami. Mais Jughead n’était pas prêt à le laisser se lamenter et s’enfoncer un peu plus dans son chagrin. Il allait le remettre d’aplomb, avec ou sans son accord. Il dégagea doucement sa tête de son épaule et lui attrapa le menton, plongeant son regard dans le sien : « Tu vas bien m’écouter Ciaràn. Je ne partirai pas tant que je ne saurai pas qui t’a infligé ça. Je me fiche que tu ai envie de me parler ou pas. C’est compris ? » Les yeux de Faulkner reflétaient toute sa tristesse et le coeur de Jug se serra encore un peu plus. Ça le rendait malade que quelqu’un ai pu lui faire du mal à ce point. Jughead rapprocha encore un peu plus son visage du sien et ses lèvres effleurèrent les siennes comme pour l’encourager à se livrer à lui. Ce baiser était une invitation à se confier, à vider son sac. « Donne-moi le nom de l’enfoiré qui t’as fait ça. » Jug sentait la colère monter en lui contre le type qui avait abîmé son Ciaràn. On ne touchait pas à son Ciaràn. Sinon, on s’exposait à des représailles de sa part. Il était prêt à tout pour le protéger, quitte à se mettre lui-même en danger ou à finir en taule. Le Brun avait toujours été là pour l’épauler et jamais il ne le laisserait tomber.

@Ciaràn Faulkner

Ciaràn était apaisé, un peu, provisoirement. Parce que Jug était là et qu'il n'était plus seul. Il ne voyait pas les passants le juger d'un seul regard, il ne voyait plus rien. La douleur était encore présente mais Ciaràn s'habitua peu à peu à elle. Soudain, il sentit que Jug le repoussait et son coeur fit un bond dans sa poitrine Il avait peur. Non pas que Jug le frappe. Mais que lui aussi le mette à terre par les mots. Mais non, Jug lui expliquait qu'il ne partirait pas tant qu'il ne saurait pas ce qu'il s'était passé. Le jeune Faulkner lui fut reconnaissant pour ne pas le laisser seul. Puis le baiser, aussi léger qu'il fut, toucha Ciaràn en plein coeur. Mais il ne comprenait pas. Son histoire était compliquée. Il avait agi comme un con il y a 5 ans maintenant et il payait le prix fort aujourd'hui. Lorsque Jug demanda le nom de celui qui avait fait ça en le traitant d'enfoiré, Ciaràn sentit les larmes couler le long de ses joues et malgré son auto interdiction de parler, il se mit à hurler à bout de nerfs:

"C'est pas un enfoiré! Je l'ai mérité.... C'est de ma faute...."

Malgré tout, il défendrait Felix. Il l'avait toujours fait. Il aurait pu continuer sa phrase et trouver tous les mots de la Terre qui pourrait qualifier sa nullité mais les larmes avaient prit le dessus. Les mêmes larmes qui avaient couler quand Avery avait disparu du jour au lendemain, ou quand Felix avait été arrêté. Il murmura alors:

"Je suis qu'un nul... c'est moi l'enfoiré... la balance.... l'idiot qui a balancé l'homme qui l'aimait.... il a le droit d'être en colère contre moi.... mais ce qui fait le plus mal.... c'est de l'avoir perdu.... "  

Peu à peu Jughead sent que Ciaràn lâche prise et se libère. Il sent que sa présence aide son ami à se libérer. Cici est comme un animal blessé et Jug sent qu’il doit le prendre avec des pincettes pour ne pas qu’il se braque et refuse à nouveau de se confier à lui. D’un autre côté, le blond est déçu qu’il ai gardé sa relation avec ce mec secrète, surtout quand on voyait dans quel état il l’avait mis. Jug était en colère contre Ciaràn mais essayait tant bien que mal de ne pas lui montrer. Il croyait qu’ils étaient soudés au point de tout se dire, il s’était visiblement bien trompé. Il se sentait trahit. Lui s’était livré au brun comme à personne d’autre et cela lui faisait mal de constater que la réciproque n’était pas vraie. Faulkner pouvait voir d’autres garçons, cela avait toujours été clair entre eux depuis qu’ils n’étaient plus en couple alors il ne voyait pas pourquoi il aurait gardé cette relation secrète. Surtout quand on voyait là où ça l’avait mené. Jughead se sentit parcouru d’un sentiment de rage contre celui qui avait mutilé son pote, son frère, son mec, son tout.

Non content d’avoir fait parler Ciaràn, Jughead l’écoutait maintenant attentivement. Le brun disait que c’était sa faute et Jug ne saisissait pas de quoi il parlait. Son discours lui paraissait incohérent. Trop de questions se bousculaient dans sa tête. Qui était ce mec ? Pourquoi Ciaràn l’avait balancé ? À quel sujet ? Pourquoi ne lui avait-il jamais parlé de lui ?

Il pris sur lui pour ne pas engueuler son copain de ne pas l’avoir mis au courant de cette liaison visiblement tumultueuse et le serra dans ses bras. Il caressa doucement ses cheveux ébènes et lui chuchota : « Je suis là maintenant, tout va bien se passer. Ne t’inquiète pas. » La vérité c’est que Jug n’avait plus qu’une seule envie : casser la gueule de celui qui avait osé toucher Ciaràn.

Ciaràn tenta de ne plus penser à Avery. Il tenta de ne plus penser à la photo dans le journal. Il ne devait plus penser à Felix non plus. Mais c'était trop dur. C'était comme lui demander d'arrêter de s'inquiéter pour ses frères et soeurs. Impossible. Ciaràn voulait faire bonne figure devant Jug mais il n'y arrivait plus. Il était faible. Felix l'avait bien dit. Il était sans défense, détruit même. Parce qu'il s'était réveillé et que la réalité, la vraie, cette fois, s'était installée. Ciaràn n'avait plus la moindre estime pour lui-même. Il se posait des questions sur lui. Comment avait-il pu vivre pendant cinq ans dans sa réalité à lui, comment avait-il pu vivre normalement alors qu'il avait balancé Felix? Et la réponse s'installa dans son esprit... il était fou. Il n'avait pas été lui même quand il avait parlé et après il avait vécu dans son propre monde. Ce monde parfait où il avait pu continuer ses études alors que Felix était entre quatre murs. Alors que son estime de lui même était enterrée, Ciaràn commença à prendre peur et à se détester. Il aurait pu s'analyser mais s'il était aussi nul, il ne devait pas être un bon psychiatre.

Jug était là, Ciaràn appréciait sa présence et lui était reconnaissant de ne pas avoir fui après qu'il lui ait dit la vérité. Il sentait ses mains dans ses cheveux mais ça ne l'apaisait pas, bien au contraire. Alors, dans un dernier effort de dire un mot, il murmura:

"Je suis fou Jug.... je l'ai toujours été.... je ne mérite même pas ton aide.... je mérite rien....plus rien du tout..."